Rome étend son système de rétention de migrants au Sahel

Tandis qu’elle tente de reprendre la main sur les garde-côtes libyens, considérés comme la dernière barrière aux filières de passeurs vers l’Europe, la diplomatie italienne distribue des aides aux pays sahéliens pour qu’ils relocalisent les migrants interceptés en Italie.
Officiellement, c’est à une réunion de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signataire en 2015 de l’accord de paix d’Alger avec les autorités maliennes, que le ministre des Maliens de l’étranger Alhamdou Ag Ilyene, qui est Touareg, est venu participer il y a dix jours à Rome. Cette réunion, à laquelle participaient également l’ex-secrétaire général du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), Bilal Ag Acherif, le fondateur du Mouvement pour le salut de l’Azawad, Moussa Ag Acharatoumane, ainsi que Fahad Ag Almahmoud, un des animateurs de la nébuleuse de groupes touaregs pro-gouvernementaux connue sous le nom de Plateforme, a abouti à un texte, la « Déclaration de Rome », qui demande aux autorités maliennes issues du putsch de l’été dernier d’accélérer la mise en œuvre des diverses dispositions de l’accord d’Alger.
Mais si la diplomatie italienne a accepté d’accueillir sur son sol la réunion des leaders touaregs, elle a également profité de la présence en Italie d’Alhamdou Ag Ilyene pour négocier avec lui un accord de financement de 2,5 millions d’euros destiné à permettre au Mali d’accueillir les migrants appréhendés par les douaniers italiens. Cet accord intervient à la veille de l’ouverture d’une ambassade italienne au Mali, un projet en préparation depuis l’année dernière (AI du 01/07/20), et un mois après le déplacement, le 9 avril à Bamako, du ministre italien des affaires étrangères Luigi di Maio.
Financements européens
Les accords dits « de relocalisation » sont l’un des axes de la politique italienne en Afrique : un arrangement similaire a déjà été négocié avec le Niger. Plusieurs de ces accords sont financés par le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique de l’Union européenne (UE). En parallèle, Rome se démène pour que l’Europe développe son aide aux garde-côtes libyens et reprenne la main sur leur formation, actuellement assurée en grande partie par la Turquie, qui se sert de son lien privilégié avec Tripoli pour souffler le chaud et le froid sur les flux migratoires vers l’Europe (AI du 10/05/21).
En 2017, l’Italie n’avait pas hésité à sortir le chéquier pour favoriser un accord de paix intertribal dans le grand Sud Libyen, dans l’espoir de rendre plus difficile la traversée de la région par les migrants. Dans le même pays, le ministère italien de l’intérieur assure également la mise en œuvre de plusieurs programmes de contrôle des flux migratoires financés, là encore, par le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique de l’UE : achat de hors-bords, mise en place du Centre de coordination des actions de sauvetage, etc.